Nouvelles techniques de conservation du litchi

Marie-Noëlle Ducamp-Collin, Cirad-flhor


La France est le premier pays réceptionnaire et consommateur de litchi avec près de 80 % du total européen. Madagascar est le principal exportateur mondial avec 16 000 tonnes, majoritairement exportées par bateau, sauf en début de campagne où les fruits sont transportés par avion. Pour les autres provenances (Réunion, Maurice, etc.), le transport aérien est utilisé pour exporter des fruits frais haut de gamme (traités ou non).

La mauvaise aptitude du litchi à la conservation handicape le développement des exportations. Le litchi, conservé à température ambiante, perd en effet en quelques jours sa coloration rose-rouge et brunit très vite. Ce brunissement enzymatique classique se révèle par déstructuration cellulaire. La dessiccation de la zone proche du pédoncule entraîne la formation de craquelures, responsables de la dégradation de cellules, dont la résultante serait la mise en contact de la polyphénoloxydase (PPO) et de ses substrats. Le brunissement peut aussi être lié à des phénomènes non enzymatiques (oxydation de Maillard), ceux-ci étant favorisés par les attaques bactériennes et les lésions dues aux insectes, à la chaleur, au stress physiologique et à la présence d'éthylène.

Les moyens de lutte que l'on peut envisager sont le maintien du taux d'humidité de la coque du fruit, le blocage des systèmes enzymatiques responsables du brunissement (par utilisation d'inhibiteur) et la limitation des attaques fongiques ou bactériennes. La méthode la plus largement utilisée est la fumigation des fruits au SO2 (dioxyde de soufre, soit utilisé à l'état gazeux, soit obtenu par brûlage de fleur de soufre), quelques heures après la récolte pour le transport maritime. Le traitement du litchi par SO2 est quelquefois suivi d'un trempage dans un bain acide qui permet de restaurer la coloration rouge du fruit après la décoloration liée au soufrage et amène à l'obtention de fruits commercialement attractifs. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que l'utilisation du SO2 représente un risque pour la santé, notamment pour les personnes allergiques. Actuellement, les traitements par SO2 ont été totalement supprimés aux Etats-Unis, excepté dans le cas du traitement des raisins de table. En France, la législation autorise des doses de résidus de 10 ppm dans la pulpe et 250 ppm dans la coque des litchis.

L'alternative au soufrage a été étudiée par différentes équipes de recherche, notamment en Israël et en Afrique du Sud. Les traitements proposés reposent sur des techniques chimiques ou thermiques diverses :
  • application de nitrate de calcium afin d'augmenter la solidité des parois cellulaires, ayant peu d'effet sur le brunissement du péricarpe ;
  • traitement à la vapeur ;
  • trempage dans du benomyl à chaud.
Pour l'instant, aucune de ces investigations n'a abouti à l'élaboration d'une méthode de traitement qui soit acceptable ou qui soit développée de façon commerciale.

La tendance étant au principe de précaution, il est fort probable que ces taux soient abaissés, voire même que l'utilisation du SO2 ne soit plus autorisée. Dans ce contexte, il est particulièrement important de proposer une technique de substitution à la fumigation aux opérateurs commerciaux de la filière. C'est pourquoi nous nous sommes penchés sur la mise au point d'une technique de conservation permettant de maintenir la coloration du litchi.

Litchi " avion "

La création d'une atmosphère modifié (AM) implique l'utilisation d'un film d'emballage dont le rôle est de :
  • créer dans le volume de conservation une AM favorable à la conservation du produit ;
  • limiter la déshydratation ;
  • éviter les contaminations ;
  • définir l'unité de vente ;
  • servir de support de communication.
Les résultats attendus sont :
  • prévenir les brunissements des fruits ;
  • réduire le développement des moisissures ;
  • éviter la déviation fermentaire ;
  • garantir un produit indemne de dérivés soufrés préjudiciables pour la santé.
Grâce à la maîtrise de la physiologie post-récolte du litchi, nous pourrons proposer aux opérateurs de la filière des méthodes de conditionnement et de conservation permettant de vendre en Europe des litchis de qualité, tant sur le plan visuel qu'organoleptique, correspondant à un cahier des charges et dans des délais compatibles avec ceux de mise en marché.

Le fonctionnement du système est le suivant : le végétal respire, rejette du CO2 dans le volume mort de l'emballage et utilise l'oxygène de ce volume. Cette modification de l'atmosphère interne crée une différence de pression partielle entre l'intérieur et l'extérieur du système. Ceci provoque l'apparition de phénomènes de diffusion gazeuse entre l'intérieur et l'extérieur du sachet : l'oxygène de l'air tend à rentrer et le CO2 tend à sortir. On a donc un système dynamique qui peut se stabiliser autour d'un équilibre gazeux préconisé.

Cet équilibre dépend notamment :
  • de l'intensité respiratoire du végétal, de la quantité conditionnée, de la température de stockage ;
  • de la perméabilité du film et de la surface d'échange.
La maîtrise d'une AM est liée au contrôle de ces paramètres.

Quelques résultats démontrent l'influence de la température de stockage sur la respiration des litchis et donc sur le maintien d'un équilibre gazeux en atmosphère modifiée. En dehors de ces considérations, ces résultats permettent aussi de voir l'importance du maintien de la chaîne de froid au cours de la conservation même sans utilisation d'AM. On pourra constater en effet que l'intensité respiratoire des fruits peut être multipliée par cinq lorsque la température est élevée de 2 à 22°C. Les premiers essais que nous avons réalisés ont consisté à définir la meilleure atmosphère utilisable pour allonger le maintien de la coloration du litchi, tout en conservant ses qualités organoleptiques et en évitant bien sûr toute fermentation. Ces essais ont porté sur cinq atmosphères connues et maintenues en équilibre par un système électronique sophistiqué (station Inra de Montfavet). Compte tenu des résultats obtenus, nous avons testé des films plastiques pouvant recréer cette atmosphère à l'intérieur de barquettes de litchi à une température donnée (système modélisé au préalable pour affiner les résultats). Les films utilisés provenaient de sociétés telles que Atofina Bolloré ou Danisco. Les résultats les plus probants pour l'instant ont été obtenus avec un film micro-perforé (P+) de la société Danisco (connue maintenant sous le nom de Amcor Flexible Europe).

Litchi " bateau "

Dans cette seconde optique, nous avons tenté de mettre au point des traitements permettant d'éviter l'emploi de soufre. Compte tenu des travaux publiés et de ceux déjà réalisés au laboratoire de technologie du Cirad-flhor, nous avons orienté nos recherches vers des traitements consistant à tremper les fruits dans des bains acides, à chaud ou à froid.

Nos premières conclusions nous amènent à privilégier un traitement à froid qui aurait l'avantage, s'il devait être employé sur le lieu de production, de réduire les risques au cours de l'utilisation. La finalisation de ces essais est en cours, car il faut arriver à les transposer en milieu réel. Ils démontrent que la solution de trempage et le procédé que nous avons mis au point permettent de maintenir la coloration rouge des fruits, sans provoquer d'effets négatifs secondaires, tout en permettant une dessiccation moins importante des fruits traités.

A l'heure actuelle, nous étudions le mécanisme qui entre en jeu au cours de ce blocage de la coloration du fruit. Ces essais vont être poursuivis au cours de la prochaine campagne litchi (2001/2002) et feront l'objet d'une publication.

Conclusion

Nous avons acquis des connaissances non négligeables sur la physiologie du litchi et son métabolisme. Nous avons cerné les limites de l'atmosphère permettant d'allonger la durée de vie du produit. Que ce soit pour le litchi " avion " ou le litchi " bateau ", nous allons entamer une phase de transposition / validation des techniques que nous voulons développer.
Le Cirad

Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement
Flhor - Département des productions fruitières horticoles
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