Importance de la conservation sous atmosphère modifiée des fruits tropicaux : application à la mangue

Marie-Noëlle Ducamp-Collin, Cirad-flhor


Pour la mangue, l'allongement de la durée de vie est destiné en particulier à améliorer la qualité des fruits exportés. En effet, ceux-ci sont bien souvent cueillis trop verts, ce qui donne des fruits de très mauvaise qualité et de maturation non satisfaisante. Il est donc important de pouvoir récolter des fruits plus mûrs, sans risque de pertes liées à la surmaturation en cours de transport.

Conserver un fruit en atmosphère modifiée (AM) consiste à créer dans son environnement une atmosphère qui sera différente de l'air (21 % O2 et 0,03 % CO2). On va donc augmenter le taux de gaz carbonique et diminuer celui d'oxygène afin de ralentir le métabolisme global du fruit (tant respiratoire que biochimique). Cette atmosphère se crée lorsque l'équilibre s'établit entre la respiration du fruit (tout fruit continue à être vivant après la récolte et continue à respirer) et l'emballage autour de lui. D'après quelques résultats de mesures de respiration effectuées en fonction des variétés de mangue, on peut constater que ces intensités respiratoires (IR) peuvent varier du simple au double (cas de la comparaison entre les variétés Keitt et Kent). On a pu noter aussi que le quotient respiratoire (QR) était extrêmement différent en fonction de la variété. Des études complémentaires nous ont permis de démontrer que ce facteur était lié à l'état de maturité du fruit et non à la variété elle-même. Cet " emballage " permettant la création de l'AM peut être formé d'un film plastique, dont les caractéristiques permettront de déterminer l'atmosphère environnante, ou d'un enrobage jouant le même rôle, mais qui est déposé à la surface du fruit directement en contact avec l'épiderme. Le film plastique peut être de composition variable, entraînant des perméabilités aux gaz différentes. Le fait de laisser passer de façon plus ou moins privilégiée l'oxygène et le gaz carbonique provoquera la variation de l'atmosphère.

Ces techniques d'atmosphère modifiée présentent des avantages :
  • réduction de perte de poids (dessiccation et flétrissement) ;
  • ralentissement de la maturation ;
  • diminution du risque de chilling injury ;
  • maintien de la qualité (couleur, humidité, flaveur) ;
  • diminution des pertes au niveau distribution ;
mais aussi des inconvénients :
  • nécessité de matériel supplémentaire pour le conditionnement ;
  • risque de problèmes si le film est mal identifié ou si la température n'est pas bonne ;
  • possibilité de développement inhabituel d'une flore anaérobie ;
  • problème de recyclage des films plastiques.
Les essais que nous réalisons sont suivis d'une évaluation des résultats par contrôle de qualité des fruits. Les critères contrôlés sont physiques (perte de poids, fermeté couleur) et chimiques (intensité respiratoire, acidité brix, teneur en éthanol). Il est particulièrement important d'avoir ces mesures de contrôle pour vérifier l'impact des techniques de conservation sur la qualité des fruits.

Films micro-perforés

Des tests ont été réalisés avec des films micro-perforés, dont les perméances variaient de 10 à 150 000 (exprimées en ml/m²/24 heures), avec un film totalement imperméable (OPP) et un autre très perméable (cryovac). Le but était de déterminer la meilleure atmosphère de stockage pour la mangue, afin d'avoir des données applicables à des films sélectifs. On constate que l'entreposage de mangues dans un film très imperméable peut tout à fait permettre le maintien extérieur du fruit : sa coloration est totalement bloquée. Par contre, ce blocage total de la maturation est irréversible, d'où l'utilité de " doser " le blocage en utilisant les films adéquats. On notera que toute perméabilité inférieure à 50 000 minimum ne sera pas utilisable sur mangue car elle provoquera des accumulations de gaz carbonique qui entraîneront des fermentations.

Films sélectifs

Les essais portant sur les films sélectifs doivent permettre d'intégrer les paramètres physiologiques du fruit, les facteurs qui peuvent les modifier (température, humidité, etc.) et les paramètres du film (épaisseur, composition, tous les facteurs susceptibles de modifier la perméance) afin de recréer l'atmosphère idéale à l'allongement de la durée de vie du fruit. Les paramètres cités peuvent être introduits dans un modèle qui nous permet d'anticiper les résultats et surtout de comparer l'expérimentation vraie à la modélisation. Nos travaux ont porté sur trois variétés de mangues (Kent, Keitt et Tommy Atkins), avec des films de perméance variable (de 5 à 20 000 pour l'oxygène et de 10 à 170 000 pour le gaz carbonique). Les différents films utilisés ont permis de provoquer un ralentissement de l'évolution des fruits, que ce soit au niveau de la coloration externe et interne ou du métabolisme global de la mangue. Cependant, ce blocage s'avère totalement irréversible si le film n'est pas bien choisi. Dans le cas où les perméances sont bien adaptées à la mangue (physiologie, etc.), on peut obtenir un retard de maturation de 5 à 7 jours sur la variété Kent (stade bateau) et de 6 à 12 jours pour les autres variétés.

Enrobages

Afin de modifier la composition gazeuse interne des fruits, nous travaillons sur la composition d'enrobages (style cire) qui, déposés à la surface, permettent de ralentir le métabolisme des fruits. Différentes formulations ont été mises au point et l'on a étudié leur effet sur la respiration des fruits, leur composition biochimique et leur évolution en cours de stockage. Un déplacement de la crise climactérique des fruits a été observé, ce qui démontre un ralentissement de l'évolution des mangues enrobées sans blocage total des mécanismes de mûrissement. Un tel blocage peut être observé lorsqu'on utilise des enrobages trop imperméables qui bloquent l'évolution de la coloration externe du fruit qui reste alors vert très longtemps, sans présenter ensuite les qualités organoleptiques requises. Dans ce cas là, la coloration ne peut plus évoluer.Les meilleurs résultats sont ceux obtenus avec des enrobages à base de cire de Carnauba auxquels nous avons ajouté des polysaccharides. Afin d'optimiser encore ces résultats, il nous faut ajuster cette quantité de polysaccharides dans la composition finale. Ces essais ont pu être menés grâce à nos partenaires du Mali, le CAE et la société Fruitex, qui ont mis des fruits à notre disposition. Nos essais sont effectués en collaboration avec l'USDA de Floride et doivent se poursuivre au cours de la prochaine campagne d'Afrique de l'Ouest. Nous envisageons d'entreprendre des essais sur d'autres variétés de mangue en provenance d'Afrique du Sud.
Le Cirad

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