Dispositions réglementaires françaises en matière de traitements post-récolte des fruits et légumes tropicaux

Pierre Ehret, MCP


L'utilisation de substances chimiques ou naturelles sur fruits et légumes relève de la pratique courante et permet d'agir sur la qualité des produits récoltés. Elle est particulièrement utile aux fruits et légumes d'origine tropicale qui subissent parfois des temps de transport longs. Avec des techniques et des substances adaptées, les fruits et légumes peuvent conserver un aspect et des qualités organoleptiques leur permettant de satisfaire la demande du consommateur

Le traitement après récolte sur fruits et légumes : une utilisation de produits qui tient de la pratique agricole et de la technologie alimentaire

Le domaine phytosanitaire

L'utilisation de produits de traitements post-récolte est soumise à une réglementation qui s'inscrit à la fois dans le domaine de l'alimentation, en ce qui concerne l'utilisation d'additifs alimentaires, et dans le domaine agricole, en ce qui concerne l'utilisation de produits phytopharmaceutiques.

Dans le domaine agricole, l'utilisation des produits phytopharmaceutiques est réglementée par une série de textes très précis, du fait des risques inhérents à des utilisations inadaptées de tels produits dans le domaine de la santé et de l'environnement.

Il faut retenir que :

  • " Sont interdites la mise sur le marché, l'utilisation et la détention par l'utilisateur final en vue de l'application (les) produits … (qui) ne bénéficient pas d'une autorisation de mise sur le marché… "
  • " Est interdite l'utilisation des produits (phytopharmaceutiques) dans des conditions autres que celles prévues dans la décision d'autorisation et mentionnées sur l'étiquette, … "
(loi n° 525 du 2 novembre 1943 relative à l'organisation du contrôle des produits antiparasitaires à usage agricole, modifiée, en dernier lieu par la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 - loi d'orientation agricole)

Afin de déterminer les risques liés aux produits phytosanitaires et de pouvoir délivrer les autorisations de mise sur le marché en connaissance de cause, le ministère de l'Agriculture dispose de diverses instances de décision et de concertation, en particulier la Commission des produits antiparasitaires à usage agricole et des produits assimilés (composée d'experts en la matière) et le Comité d'homologation des produits antiparasitaires à usage agricole et des produits assimilés (composé des représentants des divers ministères concernés et de l'Institut national de la recherche agronomique). L'autorisation de mise sur le marché est accordée par le ministre de l'Agriculture et de la Pêche, après avis de la Commission des produits antiparasitaires à usage agricole. Cette autorisation fixe les usages autorisés par le Comité d'homologation. Elle impose, également, les doses d'emploi, les limites maximales de résidus (LMR) et les délais d'utilisation avant récolte pour les produits utilisés au champ. De plus, les produits phytopharma-ceutiques examinés doivent être constitués de molécules actives inscrites sur une liste positive communautaire (décret du 5 mai 1994 transcrivant en droit français la directive européenne 91/414/CEE). Le catalogue des produits bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché est disponible à la Direction générale de l'alimentation, sous direction de la qualité et de la protection des végétaux. Le catalogue est également consultable via internet (http://www.agriculture.gouv.fr/wiphy) ce qui permet d'être informé des modifications régulières des autorisations de mise sur le marché, suite aux réunions du Comité d'homologation, et d'avoir aussi des informations sur des usages précisés par l'autorisation et sur certaines données concernant les LMR.

L'autorisation de mise sur le marché et les usages qui en découlent sont des textes réglementaires français qui s'appliquent en métropole et dans les départements et les territoires d'outre-mer suivant une réglementation qui leur est propre. En ce qui concerne les cultures susceptibles d'intéresser les producteurs des zones tropicales, seuls quelques produits sont homologués pour un usage de traitement post-récolte. Il n'existe pas de produits phytopharmaceutiques homologués en traitements post-récolte pour les autres cultures tropicales classiques (en particulier ananas, avocat, mangue, etc.).

Les autorisations de mise sur le marché sont délivrées pour une durée de 10 ans et, en fin de période, le fabricant peut refaire une demande pour un renouvellement d'une durée de 10 ans. Si cette demande n'est pas faite, le produit n'est plus homologué. Ainsi, le bénomyl a perdu son autorisation pour le traitement post-récolte, suite à l'abandon de la demande de renouvellement d'autorisation par la firme productrice de la spécialité commerciale précédemment utilisée. Le bitertanol, par l'intermédiaire de ces spécialités commerciales, bénéficie depuis février 2001 d'une autorisation provisoire de vente, valable deux ans et renouvelable une seule fois pour la même durée, qui pourra éventuellement déboucher sur une autorisation de mise sur le marché (source : DGAL/SDQPV bureau des produits antiparasitaires et des matières fertilisantes).

L'autorisation de mise sur le marché indique également les LMR admissibles, qui sont partiellement précisées sur le site " e-phy ". Des informations plus précises sur ces LMR sont disponibles par l'intermédiaire des textes qui leur sont strictement relatifs (arrêté du 5 août 1992 relatif aux teneurs maximales en résidus de pesticides, pour la réglementation française - disponible dans la collection " Documentation législative en production et protection des végétaux " de la Mission de coopération phytosanitaire).

Ces informations concernant les LMR sont particulièrement utiles aux producteurs et importateurs de fruits et légumes tropicaux en provenance de pays tiers qui peuvent être amenés à utiliser des produits non homologués en France et en Europe pour les traitements post-récolte, dans la mesure où ils appliquent des traitements sur les lieux de production. Ces usages, réglementés par les pays du lieu de production, doivent simplement veiller à respecter strictement les LMR en vigueur dans le pays d'importation.



Le domaine " alimentaire "

Dans le domaine alimentaire, l'utilisation des additifs est réglementée par une série de textes dont le pivot est l'arrêté du 2 octobre 1997 modifié en dernier lieu par l'arrêté du 31 juillet 2001, abrogeant en grande partie l'arrêté du 14 octobre 1991 relatif aux additifs pouvant être employés dans la fabrication de denrées destinées à l'alimentation humaine.

Ce texte liste l'ensemble des additifs pouvant être utilisés sur les aliments, en spécifiant, s'il y a lieu, les quantités maximales autorisées selon les usages et les aliments concernés.

Les fruits et légumes non transformés forment une catégorie de produits bien identifiés par les textes : " … les denrées alimentaires non transformées sont celles qui n'ont subi aucun traitement entraînant un changement substantiel de leur état d'origine. Toutefois, elles peuvent, par exemple, avoir été divisées, séparées, tranchées, désossées, hachées, écorchées, épluchées, pelées, moulues, coupées, lavées, parées, surgelées, congelées, réfrigérées, broyées ou décortiquées, conditionnées ou non. " (arrêté du 2 octobre 1997 - Art. 13).

De nombreux additifs alimentaires (en particulier colorants et édulcorants) ne sont pas autorisés sur les produits non transformés. Les additifs autorisés sur fruits et légumes non transformés sont classés dans les catégories suivantes :
  • Annexe III B : Denrées alimentaires dans lesquelles un nombre limité d'additifs de l'annexe IIIA peuvent être utilisés (l'annexe III A regroupant les additifs généralement autorisés dans les denrées alimentaires, mais ne s'appliquant pas aux produits non transformés, sauf exception précisée pour des gaz).
  • Annexe III C : Conservateurs et antioxygènes autorisés sous conditions. Première partie : sorbates, benzoates et p-hydoxybenzoates. Deuxième partie : anhydride sulfureux et sulfites. Troisième partie : autres conservateurs.
  • Annexe III D : Autres additifs autorisés
  • Annexe IV : Supports et solvants porteurs autorisés.
Dans le cas de ces additifs, la notion ou le principe de quantum satis est souvent utilisée. Sa signification est précisée dans la directive européenne 95/2/CE qui a donné lieu aux textes français étudiés : " 8. Dans les annexes de la présente directive, l'expression quantum satis indique qu'aucune quantité maximale n'est spécifiée. Toutefois, les additifs sont employés conformément aux bonnes pratiques de fabrication, la dose utilisée ne dépassant pas la quantité nécessaire pour obtenir l'effet désiré et à la condition de ne pas induire le consommateur en erreur. "

On peut noter que les produits phytopharmaceutiques ne sont pas repris dans le texte de l'arrêté du 4 octobre 1997. La particularité des traitements post-récolte est mise en relief par le maintien d'un chapitre qui y faisait référence dans l'arrêté de 1991 : " 7. Les dispositions de l'arrêté du 14 octobre 1991 modifié susvisé sont abrogées en ce qu'elles concernent les additifs alimentaires, exception faite (…) et des dispositions relatives à l'emploi des produits de traitement après récolte suivants : chlorprophame, imazalil, sulfate d'imazalil, nitrate d'imazalil, diphénylamine, bénomyl, éthoxiquine, éthylène et thiabendazole dans les pommes de terre (en liaison avec l'arrêté du 5 août 1992 susvisé).".

Cette situation est transitoire et préfigure la nette distinction des deux types de produits, comme cela est prévu par la directive européenne relative aux additifs alimentaires 95/2/CE : " considérant que, dans l'attente de dispositions spécifiques prises en application de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phyto-pharmaceutiques et de la directive 90/642/CEE du Conseil, du 27 novembre 1990, concernant la fixation de teneurs maximales pour les résidus de pesticides sur ou dans certains produits d'origine végétale, y compris les fruits et légumes, certaines substances appartenant à cette catégorie sont provisoirement couvertes par la présente directive. ".

La présence de références aux produits phytopharmaceutiques pouvant être utilisés en traitement post-récolte dans deux catégories de textes différents complique l'interprétation de ces textes. Les informations relatives à l'évolution des autorisations de mise sur le marché ne font d'ailleurs pas systématiquement l'objet d'une parution au Journal officiel et une recherche d'information devra tenir compte du catalogue des produits autorisés publié par la DGAL, qui seul fourni une information régulièrement mise à jour. Certains arrêtés plus spécifiques peuvent compléter les textes à large portée. Dans le cas des fruits tropicaux, un arrêté concerne le litchi, un fruit présentant une coque non comestible. Il reprend les informations relatives à l'usage du SO2 et précise que la teneur résiduelle dans la coque peut atteindre 250 mg/kg (arrêté du 1er juillet 1998 portant autorisation d'emploi des sulfites en tant qu'auxiliaires technologiques pour le traitement après récolte des litchis et des raisins de table).

Les traitements par rayonnements ionisants

La prolongation de la durée de conservation de fruits ou légumes, leur désinsectisation ou leur décon-tamination microbienne peuvent également être obtenues par exposition aux rayonnements gamma du Cobalt 60 ou du Césium 137 ou aux faisceaux d'électrons d'une énergie inférieure ou égale à dix millions d'électrons-volts (10 Mev). Trois textes réglementent l'utilisation de ces techniques pour les fruits secs et légumes secs, pour les fraises et pour les herbes aromatiques surgelées telles que l'ail, la ciboulette, le cresson de fontaine, l'estragon et le persil (arrêté du 6 janvier 1988 relatif au traitement par rayonnements ionisants des légumes secs et fruits secs, arrêté du 29 décembre 1988 relatif au traitement par rayonnements ionisants des fraises et arrêté du 16 mai 1990 relatif au traitement par rayonnements ionisants des herbes aromatiques surgelées). Les dispositions relatives à la mise en œuvre de ces techniques s'appliquent quel que soit le pays où s'effectue le traitement. En cas d'importation, l'importateur doit être capable de justifier que les traitements ont été effectués dans les conditions prévues par la réglementation française (certificat, tenue de registre, etc.). Dans ce cas précis, contrairement aux traitements post-récolte utilisant des produits phytopharmaceutiques, il est demandé aux importateurs de justifier précisément des techniques utilisées, même si le traitement a lieu dans un pays tiers.

Les traitements spécifiques à l'élimination des organismes de quarantaine

Dans le cadre des mouvements commerciaux de produits d'origine végétale, les Etats sont amenés à prendre des mesures phytosanitaires permettant la protection de leur territoire face à des organismes nuisibles susceptibles de provoquer des dégâts sur leur territoire.

La lutte contre les organismes de quarantaine prévoit un certain nombre de traitements permettant d'éliminer ces organismes des lots de fruits et légumes lorsqu'ils présentent un risque (traitements préventifs) ou lorsque des organismes ont été détectés (traitements curatifs). La fumigation permet un contrôle très efficace des insectes, ce qui permet son utilisation dans le domaine de la problématique de quarantaine. Pour cela, des matières actives à toxicité importante sont utilisées. Elles doivent l'être dans un cadre strict, défini par la réglementation :
  • en particulier, la fumigation doit être effectuée sous le contrôle d'agents du service de la protection des végétaux ;
  • les produits végétaux pour lesquels les matières actives sont autorisées sont précisément définis et, dans certains cas, ils ne peuvent pas être utilisés ensuite pour l'alimentation humaine ou animale (fumigation à l'acide cyanhydrique) ;
  • dans le cas du bromure de méthyl, il est fait référence en annexe I à des traitements sur fruits frais. Cette expression " fruits frais " est précisée par les tarifs douaniers 08-06 et 08-07 qui définissent les " raisins frais et secs et les melons (y compris les pastèques) et papayes, frais ".
D'autres méthodes de traitement des fruits peuvent permettrent une élimination des organismes de quarantaine sans utilisation de matière active dangereuse. De ce fait, elles ne font pas l'objet d'une réglementation aussi détaillée. Il importe que la méthode soit agréée par le service de protection des végétaux, du fait de son efficacité prouvée sur la destruction des organismes nuisibles et qu'elle soit commercialement acceptable, en évitant des effets néfastes sur la qualité des denrées traitées. Les traitements par le froid ou par la chaleur sont développés dans certains pays, en particulier pour lutter contre les mouches des fruits. L'obligation d'un traitement par cryothérapie, selon les normes USDA pour l'importation d'agrumes de pays non indemnes de mouches des fruits, figure dans les textes régissant l'importation des végétaux et produits végétaux dans les départements de Guadeloupe, Guyane et Martinique (arrêté du 3 septembre 1990 complété par l'arrêté du 3 décembre 1991). Il existe également des obligations de ce type pour les importations de mangues. De tels procédés sont également prévus dans le cadre de l'importation d'agrumes en provenance de pays tiers vers l'Union européenne, mais sont rarement utilisés, d'autres mesures se révélant plus pratiques à mettre en œuvre.

Conclusion

L'examen de la réglementation en matière de traitement post-récolte permet de se rendre compte des exigences du législateur. La réglementation prend en compte les soucis de :
  • protection du consommateur, en particulier de sa santé. La protection de la santé du consommateur apparaît comme un souci prioritaire. Elle nécessite une réglementation capable d'apprécier un niveau de risque acceptable, quel que soit le lieu de production. Pour les produits phytopharmaceutiques et certains additifs alimentaires, le choix des LMR est suffisant. Par contre, pour les traitements ionisants, une connaissance de la procédure d'application est nécessaire ;
  • protection de l'environnement sur le territoire national ou communautaire ;
  • protection des utilisateurs des produits à risque sur le territoire national ou communautaire.

Ces préoccupations ne s'appliquent que sur la zone de souveraineté des pays concernés et se traduisent par l'autorisation et le contrôle, plus ou moins strict, de l'utilisation de certains produits.


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Rappel de quelques définitions
  • Organisme de quarantaine : organisme nuisible qui a une importance potentielle pour l'économie de la zone menacée et qui n'est pas encore présent dans cette zone, ou bien qui y est présent, mais à distribution restreinte, et faisant l'objet d'une lutte officielle.
  • Organisme nuisible : toute espèce, souche ou biotype de végétal ou d'animal, ainsi que d'agent pathogène, nuisible aux végétaux ou aux produits végétaux.
Source : secrétariat de la Convention internationale pour la protection des végétaux - Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture - Rome, 1996


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