Nouvelles formulations d'enrobages pour la conservation des fruits tropicaux

Elizabeth Baldwin, USDA


De nombreuses techniques ont été développées au cours des années afin d'allonger la durée de vie des fruits et légumes depuis leur lieu de production jusqu'au consommateur. Malheureusement, 25 à 80 % des produits frais récoltés sont perdus, surtout en zones tropicales. L'une des techniques permettant d'étendre la durée de vie des fruits et légumes consiste à utiliser des enrobages alimentaires.

Les fruits et légumes tropicaux présentent la particularité d'être sensibles au froid. Ainsi, les basses températures ne peuvent pas être utilisées pour allonger leur durée de vie, comme cela se fait pour la pomme. Bien souvent, ces produits sont expédiés par avion sur de longues distances à destination des consommateurs des zones tempérées, ce qui augmente leur prix. Le transport par bateau serait préférable, mais il est actuellement impossible à cause du mûrissement et de la détérioration rapides de ces produits.

Les fruits et légumes peuvent être classés en climactériques et non-climactériques. Les fruits climactériques continuent de mûrir après la récolte, ce qui n'est pas le cas des non-climactériques. Le processus de mûrissement comprend le développement de la couleur, de la flaveur et de la texture (assouplissement). Les principaux fruits tropicaux sont climactériques : banane, mangue, papaye, avocat et goyave. Ces fruits mûrissent rapidement pendant le transport et le stockage, ce qui nécessite leur expédition par avion. Toutefois, il est possible de ralentir leur mûrissement après la récolte et donc d'allonger leur durée de vie. Cela peut se faire en utilisant le stockage sous atmosphère contrôlée, les emballages sous atmosphère modifiée ou les enrobages alimentaires. Dans tous les cas, l'atmosphère créée contient peu d'oxygène (O2) et beaucoup de gaz carbonique (CO2), en comparaison avec une atmosphère standard. Les faibles taux de O2 et ceux élevés de CO2 diminuent la production d'éthylène nécessaire à l'activation des gènes intervenant dans le mûrissement au niveau des changements de couleur, d'arôme et de la dégradation des parois des cellules permettant l'assouplissement de la chair.

Les enrobages alimentaires peuvent créer une atmosphère modifiée, similaire à celle d'un emballage à atmosphère modifiée, qui est le résultat de la perméabilité de l'enrobage et de la respiration du fruit. Dans les deux cas, le contrôle de la température est très important car il peut affecter le taux de respiration du fruit. Les températures élevées augmentent les taux de respiration, alors que les températures basses les diminuent. Les enrobages ou les emballages à atmosphère modifiée conçus pour certaines températures peuvent causer des respirations anaérobies, des défauts de goût et des détériorations de fruits, s'ils sont utilisés à des températures différentes. Néanmoins, s'ils sont bien utilisés, les enrobages alimentaires peuvent retarder le mûrissement des fruits climactériques, les changements de couleur des fruits non-climactériques, réduire les pertes en eau, le pourrissement et améliorer l'apparence. Les enrobages peuvent être formulés à l'aide de différents éléments tels que les lipides, les résines, les polysaccharides, les protéines et les polymères synthétiques. En fait, la plupart des enrobages sont composés de plusieurs éléments, permettant chacun la formation d'un film, auxquels on ajoute des molécules ayant un faible poids moléculaire, telles que les polyols, qui servent de plastifiants. Ces composants sont parsemés parmi les chaînes polymères, ce qui les éloignent les uns des autres et confère une plus grande souplesse à l'enrobage. Dans le cas contraire, l'enrobage serait trop friable et s'effriterait ou se craquellerait sur le produit. De même, des surfactants, des agents anti-mousse et des émulsifiants sont souvent utilisés dans les enrobages.

Les lipides utilisés dans les enrobages sont généralement incorporés sous forme de cires ou d'huiles. Le carnauba, le candelilla et les cires de son de riz sont des cires naturelles de plantes ; la cire d'abeille est aussi un produit naturel ; la paraffine et la cire de polyéthylène sont des produits dérivés du pétrole. Le shellac (laque) est un produit naturel provenant de la résine d'arbre, la colophane est un déchet de l'industrie du bois et la résine de coumarone-indène est un produit dérivé du pétrole. Les deux derniers produits sont utilisables seulement sur les agrumes aux USA, quand la peau n'est pas consommée. Les lipides représentent d'excellentes barrières contre l'eau, mais sont relativement perméables aux gaz et ne sont donc pas très utiles quand il s'agit de créer une atmosphère modifiée pour retarder le mûrissement. Les résines forment de bonnes barrières contre la vapeur d'eau et ajoutent un brillant, mais elles sont assez peu perméables aux gaz et peuvent donc créer des conditions anaérobies dans le fruit si la température n'est pas correcte. Parmi les résines, on trouve aussi le copal, le dammar et l'elimi qui sont utilisés seulement dans les produits pharmaceutiques.

Parmi les hydrates de carbone (glucides), on trouve la cellulose, l'amidon et la pectine issus de plantes ; l'alginate, le carragheen et le furcellaran qui viennent des algues ; et le chitosan qui est produit à partir de l'exosquelette des crustacés. Les gommes arabique, ghatti, karaya et tragacanth sont des exsudats de plantes ; le guar et la gomme de caroube proviennent de graines ; le xanthane et la gomme gellane sont des produits de la fermentation microbienne. Les polysaccharides ne constituent pas de bonnes barrières contre la vapeur d'eau, mais font preuve d'une perméabilité modérément basse aux gaz et sont utiles pour retarder le mûrissement des fruits climactériques.

Les protéines utilisées pour l'enrobage comprennent des protéines de soja, de maïs (zéine), de la caséine, du petit-lait, du gluten de blé et de l'arachide. En formulant des enrobages à base de protéines de blé, de lait et d'arachide, il faut tenir compte du fait qu'elles sont allergisantes pour une petite partie de la population. On peut utiliser le zéine à la place du shellac quand on désire ajouter un brillant. Les protéines ont la même perméabilité à l'eau et aux gaz que les hydrates de carbone.

Les enrobages ont pour avantages de réduire la perte en eau, de retarder le mûrissement, de réduire les blessures dues au froid et aux machines, de réduire le pourrissement et de donner un éclat ou un brillant au produit. On peut aussi leur ajouter des ingrédients utiles comme des produits antimicrobiens, des additifs de couleur ou d'arôme, des anti-oxydants ou des produits contre le mûrissement.

Leurs désavantages sont la création de conditions anaérobies quand ils ne sont pas utilisés aux bonnes températures, l'altération de la flaveur, des textures désagréables (visqueuses, poisseuses), la décoloration (problème rencontré avec le shellac et le zéine qui blanchissent quand ils sont en contact avec l'eau) et l'effritement ou l'écaillage de l'enrobage.

Parmi les enrobages utilisés sur les fruits tropicaux, on trouve l'huile minérale pour les limes, la laque ou les protéines de zéine pour les oranges, la paraffine pour les ignames et les noix de coco, l'huile végétale pour les papayes, la cire de carnauba (avec ou sans addition de shellac) et les hydrates de carbone (avec ou sans esters de saccharose) pour différents fruits. Ces enrobages sont généralement appliqués par trempage, vaporisation ou à l'aide de brosses saturées de produit.

Par exemple, un enrobage à base de polysaccharides sur citron permet de retarder le jaunissement ; la cire de carnauba (avec laque), le zéine et les polysaccharides retardent le mûrissement des goyaves, mangues et papayes ; le shellac et le zéine ajoutent un brillant aux fruits et empêchent les pertes en eau.

En conclusion, les enrobages représentent une technologie simple, respectueuse de l'environnement et relativement peu onéreuse. Ils peuvent améliorer la durée de vie des fruits et légumes tropicaux si de bonnes températures sont appliquées lors du stockage et de l'expédition. Afin d'obtenir les meilleurs résultats, les matériaux d'enrobage doivent être testés et adaptés à chaque produit.
Le Cirad

Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement
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